J’ai longtemps hésité à écrire sur ce sujet. Le moindre mot en trop et vous voilà monter à l’échafaud. On sort les fourches, hurle à la généralisation, blâme à tout va. Sujet hautement brûlant donc. Hommes et femmes défendent leur gibier et n’hésitent pas à montrer les crocs. La guerre des sexes est déclarée. On peut prétendre à une pacification et pourtant on crie à l’injustice au moindre débordement. Tout peut dégénérer à tout moment ; on se rend compte rapidement que la pacification n’était qu’un leurre opaque. Attaquons nous au tendre et immortel combat des sexes.
Avant petite aparté : Aujourd’hui tout le monde a peur d’assumer sa pensée et de froisser les gens au moindre pet de travers. On saupoudre tous ces propos par des ‘attention je n’ai rien contre ….’ ; on lèche des culs à coup de discours insipides pour que personne ne s’enflamme. On est bien au centre, on assure ses arrières. Honnêtement ça m’emmerde. De 1 ça alourdit le discours que de devoir se justifier à la moindre prise de parti, et de 2 je vous estime assez intelligent pour faire la part des choses.
Pour revenir à notre sujet, il n’y a rien de mal à défendre ces plate-bandes. Mais le fait est qu’on renforce ainsi cette fine séparation entre les deux sexes. Pourquoi stagner le discours sur des ‘Oui mais nous les femmes on vit ça …’ ou encore des ‘Oui mais nous les hommes on a ça aussi hein …’ On ne fait que renforcer la frontière des genres. Il serait tellement plus constructif d’arrêter la compétition de ‘qui vit le pire’ et de se concentrer ensemble sur les problèmes sociétales, sans bêtement agiter le drapeau de son clan à tout va.
Les uns ont tendance à minimiser ce que les autres vivent au quotidien et la pression exercée sur le sexe opposé, sous prétexte que ‘c’est bon nous on vit bien pire tous les jours’. L’important pourtant c’est que peu importe ce que chacun vit, s’il est vécu de manière sérieuse par l’un, il devrait aussi être pris au sérieux par l’autre. Si une chose ne m’affecte pas mais affecte mon voisin, je serai vraiment bête de jouer l’autruche sous prétexte que ‘oh c’est bon y a pire‘. Non. Si quelque chose touche l’un, les autres devraient au minimum essayer de le comprendre, et non de hiérarchiser la peine. Ça marche pour ce sujet mais aussi pour d’autres. Exemple : mes parents ont divorcé. Ceux d’Yvonne aussi. Mais Yvonne elle s’en remet pas … Sérieux elle abuse, moi je m’en suis sortie, pas la peine d’en faire un fromage …. NON ! Yvonne elle vit les choses comme elle les vit. Qu’elle fasse un fromage ou une laiterie, on n’a aucun droit de classer la douleur des gens, chacun réagit selon sa propre sensitivité. Voilà.
Aujourd’hui je me désespère de voir à quel point le féminisme a changé de perception. Le mot « féminisme » en lui-même est un problème de perception. Le féminisme, le bon, le sain, le vrai, prône l’égalité entre les sexes. Aucun sexe n’est lésé d’aucune façon, personne n’écrase l’autre de sa suprématie. Mais est arrivée une vague de femmes qui, voulant étaler leur beurre avec vigueur, ont souillé l’image que se fait la société du mouvement féministe.
L’intention était bonne au départ : braquer les projecteurs sur ce qui peut se passer de révoltant dans le quotidien des femmes. C’est une réalité. Personne ne dément là-dessus, je le vis moi même en tant que nana. Pourtant certaines ont tellement banalisé l’image de la femme en victime du grand méchant Homme, que le féminisme a perdu toute sa crédibilité, et qu’une partie de la société y voit maintenant un gang de pleureuses. C’est la victimisation poussée à l’extrême. Même si les déboires du quotidien des femmes sont bien réels et injustes, la diabolisation de l’homme l’est tout autant.
Mon opinion je ne le sors pas d’une pochette surprise. Moi aussi je traîne mes propres casseroles qui ont lourdement altéré mon jugement et m’ont fait sortir les fourches. Par mes propres expériences passées, j’ai complètement diaboliser l’homme dans sa généralité. Ni voyant qu’un être profondément égoïste dont la femme devrait éternellement subir les sévices. J’exagère ? A peine. Car dans mon esprit, l’homme était tellement discrédité que cela en affectait mes relations amoureuses. Jusqu’à présent, je peux voir les séquelles de cette vision erronée (notamment sur le plan sexuel) et je me bats avec acharnement contre mon esprit pour ne pas généraliser à la gente masculine les deux trois connards qui ont pu croiser ma route.
Bien sûr il y a un sérieux problème d’inégalité mais aussi d’harcèlement envers les femmes. Le jugement impitoyable porté sur leurs actes, sans parler de cette pression continuelle de la beauté comme but ultime ; ou encore de l’éternel place de sous fifre que la femme doit endosser dans une société où les décisionnaires sont majoritairement masculin. A travers bon nombres d’activités, les femmes ne représentent qu’une ridicule minorité ; car il est encore dur de s’extirper d’un schéma sociétal ancré jusqu’à la moelle des gamines, leur dictant un avenir de mère et d’épouse, ou tout simplement en leur bourrant le crâne devant leur incapacité mentale ou physique d’embraser une carrière quel qu’elle soit. A cela on dira que c’est de la faute des femmes : elle entreprennent moins, ne se jettent pas dans le vide comme les hommes. Mais ça encore c’est un schéma bien rôdé que l’on retrouve dès l’enfance, où les gamines ne sont pas encouragées de la même manière que leurs frères. Ça paraît être un cliché d’un autre temps pourtant c’est encore bien réel aujourd’hui.
Quant aux hommes, ils ont eux aussi droit à leur lot de pressions et bourrages de crâne. La société façonne sans regarder les sexes. En parlant aux hommes de mon entourage, les mêmes thématiques remontent. Notamment l’injustice qu’ils ressentent face à la généralisation, ce fléau : le fait de blâmer l’entière gente masculine pour le comportement d’une poignée de connards, et de souder le comportement de ces derniers à l’ADN de l’Homme. Ils m’ont aussi parlé de ce sentiment de devoir correspondre à une liste interminable d’attentes. Parfois aussi cette tendance qu’ont les femmes à vouloir les modeler sur mesure. On a aussi l’indétrônable ‘Sois fort et tais toi‘, on accepte pas les faibles ici. Les hommes sont réduits au silence et foutu en tension jusqu’au jour où ça explose ; puis on les regarde comme des monstres. Homme et femme = même sensibilité mais sûrement pas la même écoute. Les hommes s’expriment beaucoup moins sur leur condition, c’est un fait.
Quand ils osent enfin y mettre des mots, les féministes de la nouvelle vague ont ce regard dédaigneux du genre ‘t’es quand même mieux loti que moi, viens pas te plaindre …’. A peine exagérer là encore. Le problème c’est que ces dernières ne se rendent pas compte que cela affecte leur cause : en créant cette échelle du ‘qui souffre le plus’, elles attisent la haine des individus du sexe opposé, et là on s’éloigne bel et bien de la cohabitation harmonieuse. •