Dans mon article Apprendre à faire cavalier seul, je vous expliquais que la notion de ‘couple’ me dérangeait. Tant le concept que la définition dont notre société s’en fait. Je vous laisse relire le passage dédié de l’article si le cœur vous en dit. Mais voilà : il n’y a pas tout à jeter dans la notion de ‘couple’, bien heureusement. Quand bien même deux trois choses me chagrinent. Comme nous tous, je vois autour de moi des couples plus ou moins épanouis. On essaye de maintenir le cap de l’harmonie. Certains y arrivent parfaitement, d’autres un peu moins. Qu’on se comprenne bien, l’idée n’est pas de juger l’amour que chacun se porte. Ce que je veux montrer ici, c’est ce qui se cache derrière le besoin d’être à deux. Pourquoi sommes-nous tant anéanti s’il advenait qu’on perde l’être aimé ? Pourquoi nous est-il incapable d’imaginer notre vie sans ? Pourquoi vouloir à tout prix être aimé d’abord ? A ces questions je ne doute pas que vous ayez les réponses, et pourtant je sens qu’on ne tape pas pile poil dans le mille.
Tout d’abord permettez-moi d’approfondir ce titre tape-à-l’œil. Qu’importe la manière dont vous le voyez, couple, partenaire de vie, etc… ce qui peut être nocif n’est pas le lien amoureux en soi mais la relation que vous portez à l’autre. C’est jusque là plein de bon sens. Pourquoi cherche t-on à être en couple? Pourquoi vouloir à tout prix partager sa vie ? Creusons plus loin que le désir qui, évidemment, joue un rôle primordial ; de même laissons de côté la simple répétition d’un schéma sociétal que nous reproduisons sans broncher. Toute relation qu’un humain entreprendra avec un être, quelle que soit la nature du lien, est un acte égoïste et intéressé. Je n’invente rien, c’est vieux comme le monde. Même si vous voilà plein de sincère bienveillance et d’amour à revendre, vous entrez en contact avec l’autre car vous avez un besoin à combler, quelque chose à en tirer. Bref, rien de nouveau sur la planète Terre, quand bien même il est important de le rappeler. Je vois beaucoup de couples autour de moi qui se portent très bien certes, qui sont aimants et veulent le meilleur pour leur partenaire. Le fait est que l’on cherche tous, inconsciemment pour la plupart, à calmer nos angoisses et taire nos peurs en s’appuyant sur quelqu’un d’autre. C’est ce qui fait la richesse des relations humaines ; tout en nous empêchant de nous intéresser à la source de nos préoccupations.
Une relation d’apparence très saine peut avoir été construite sur des bases qui puent le moisi. Ok j’exagère un chouia, mais quand on partage sa vie, on amène avec soi tous nos bagages : expériences, peurs, angoisses et insécurité comprises. Eléments qui ont façonné la personne et qui bien souvent l’empêchent d’avancer. La vie de chacun est régit par un nombre incroyable de peurs. Peur de ne pas être aimé, de l’abandon, du rejet, d’être en tort, d’être seul, de ne pas répondre à nos attentes, ou à celles des autres, peur de la société, de se faire écraser, de ne pas être compris, peur d’échouer, de tomber, de souffrir, d’être vulnérable … Des peurs généralement profondes, nées d’un ou de plusieurs traumatismes passés, et bien au delà de la simple définition que l’on pourrait leur prêter. Ces traumatismes peuvent sembler évidents, parfois beaucoup moins. Ma thérapeute m’a fait savoir qu’elle entendait souvent les gens dire ‘Je n’ai pas eu d’enfance malheureuse, rien de vraiment traumatisant dans ma vie’. Pourtant le traumatisme peut résulter d’une simple idée, pensée ou vérité, répétée plusieurs fois dans votre tête et donc acquise comme vérité absolue. En clair, vous pouvez vous créer votre propre traumatisme. Un pur bonheur. Mais rassurez-vous, pas de fatalité là-dedans. Car comprenez-bien que si vous pouvez créer un traumatisme en y croyant, vous pouvez tout aussi bien créer une solution. OK c’est un peu flou. Prenons un exemple simple : ces images de réseaux sociaux qui circulent de temps à autre. Si vous êtes persuadé qu’une robe est bleu, vous vous persuaderez tellement vous-même que vous créerez votre propre vérité. Même équation si vous croyez dur comme fer que vous ne valez rien. Vous pouvez pousser votre propre vérité si loin qu’elle s’ancrera profondément dans votre manière d’appréhender le monde. Vous vous êtes ainsi construit votre propre vérité, irréfutable tant elle tombe sous le sens de votre logique et de votre croyance.
Mais fermons le chapitre des traumatismes et posons cartes sur table : votre relation à l’autre est nocive à partir du moment où vous donnez à l’autre le rôle d’effacer vos propres peurs et de vous rassurez face à vos angoisses. Inconsciemment, vous portez l’autre comme responsable de votre propre bien-être. Vous vous déchargez donc de cette tâche qui pourtant ne concerne que vous-même. Voilà comment se construit une relation de dépendance à autrui. Ainsi chacune des actions de votre aimé déterminera votre bonheur ou votre malheur. Et ça, c’est tout sauf sain. Etre sentimentalement dépendant c’est courir après un bonheur dont on n’est pas l’investigateur ; c’est subir des montagnes russe au bon vouloir des sentiments et actions d’un autre individu. De même, vous donnez pleinement à quelqu’un n’est pas mauvais en soi si vous vous en donnez tout autant à vous-même. Vous pouvez certes être aidé, mais vous restez le seul à pouvoir en finir définitivement avec vos angoisses.
Illustrons tout ça
Exemple tout bête : Vous n’avez aucune confiance en ce que vous êtes, avec tout ce que cela engendre : jalousie, peur de perdre l’autre, vision de soi erronée, peine à s’affirmer ou au contraire tendance à trop s’affirmer, besoin de tout contrôler….
Vous n’arriverez pas à grand chose en attendant de constamment être rassuré par un tiers. Cela pourra vous donner un sentiment de paix, certes, pour quelques temps. Mais les racines du problème seront toujours là. Vous êtes la seule personne à même de changer le regard porté sur vous-même. Si consciemment ou non, vous blâmez l’autre car il ne vous donne pas suffisamment de ce que vous attendiez, en vérité vous vous blâmez vous-même de ne pas répondre aux sollicitations de votre esprit. Vous reflétez dans votre relation à l’autre ce qui est à résoudre en vous-même, il suffit juste de lire entre les lignes. Vous êtes seul responsable de votre bien-être, et votre comportement est un véritable livre ouvert sur les tourments de votre esprit. Portez un regard bienveillant sur vous-même et prenez les rennes, agissez pour vous, n’attendez rien de l’autre. Si vous parvenez à mettre le doigt sur toutes ces peurs qui vous empoissonnent, vous verrez une relation beaucoup plus saine se construire. Où chacun est épanoui et laisse à l’autre son libre arbitre. N’oubliez pas que cette responsabilité, même subtile, que vous donnez à votre aimé est un poids lourd à porter. Beaucoup évite d’exprimer leur ressenti de peur d’éveiller les angoisses de l’autre. Chacun doit pouvoir se manifester sans retenu, sans pression ni appréhension de la réaction de l’autre.
Autre exemple : La vie sans l’autre vous paraît impossible. Vous êtes très fusionnel, à tel point que vous ressentez, clairement ou non, comme une perte d’identité au profit du ‘couple’, ou encore la lente disparition de vos ambitions.
Etre fusionnel n’a rien de mal tant que l’on arrive aisément à se sortir de cet état de communion dès qu’on le souhaite. Nul besoin d’être psychologue pour comprendre l’erreur de voir sa vie à travers les yeux d’un autre. En plus d’une dépendance affective, cela créé la pression constante de devoir maintenir un équilibre ‘parfait’ pour que l’autre puisse tenir debout (même s’il peut se tenir debout seul dans la plupart des cas !). On épaule l’autre ou on se fait épauler. On exprime peu son vrai ressenti ou on le fait avec des pincettes. Résultat : une relation fusionnelle peut être, mais avec la peur immuable de heurter l’autre. Ainsi on passe ses propres sentiments à la trappe pour se fondre entièrement dans ce bouillon d’amour. On a tellement peur de perdre le contrôle sur la relation à l’autre qu’on se perd nous-même en chemin. On s’oublie pour ne penser qu’à travers les désirs de l’autre. On se fourvoie dans un faux-semblant général. On construit un rapport malsain à nous-même. Le risque : ne même plus élucider ce que l’on fait pour soi de ce que l’on fait pour l’autre.
Et l’amour dans tout ça ?
A vous étendre en long, en large et en travers ce mélange de peurs, de sentiments refoulés et de dépendance affective, on en oublierait presque que l’on parle d’amour. Et pourtant on ne parle que de ça ! Se poser les bonnes questions, se remettre en question, essayer de comprendre, de s’intéresser, d’être curieux du point de vue de l’autre, d’être attentif à ses véritables ressentis mais aussi aux nôtres. Apprendre à saisir nos angoisses pour mieux les appréhender ; et éviter ainsi qu’elles ne s’étendent à notre partenaire. S’aimer et donner de la valeur à nos sentiments pour mieux aimer et confronter les opinions de l’un et de l’autre. Voilà un travail constant, souvent difficile, mais que l’on veut entreprendre avec plaisir parce qu’on aime l’autre et on veut être bien ensemble.
L’amour à mes yeux c’est embrasser les angoisses de l’autre, aimer toutes ses facettes, même celles qu’il n’ose dévoiler, et soutenir en tout point sans toutefois prendre responsabilité. Etre toujours là, tout en sachant s’effacer : pour se préserver et laisser à l’autre la place de se renforcer, seul. Car on ne peut aider quelqu’un en essayant de résoudre ses problèmes, on est là en tant que soutien, toujours, mais c’est un travail qui appartient à chacun et qu’on ne peut résoudre pour un autre. On détient tous nos problématiques propres dont il convient de s’occuper pour prétendre à une véritable harmonie. Vous l’aurez compris, construire un amour n’a pas de fin et c’est tant mieux. Chacun avance à son rythme et il y aurait toujours de nouvelles expériences, de nouveaux éléments à entrer dans la danse. Il faut faire avec, accepter, prendre en compte les peurs de l’un avec celles de l’autre pour ainsi comprendre ce qui se trame dans les coulisses de nos esprits.