C’est avec un titre de Youtubeuse beauté que je vous accueille aujourd’hui. Au milieu de cette génération où parler à travers une caméra à des millions d’internautes paraît d’une simplicité absolue, où le partage sur les réseaux sociaux est systématique et le mot ‘vacuité’ ne ressemble plus qu’à du baragouinage de vieux maître yogi, il y a moi. Et je serais difficilement dire quand cela a commencé, bien que la chute ait été progressive, je ne suis pour sûr pas la seule à avoir un jour perdu pied.
Au matin, au doux son du marteau-piqueur chantant, mon téléphone affiche déjà les messages en attente. Ceux datant d’hier, ajoutés aux anciens de deux semaines, rejoins par les vétérans de six mois d’âge. Je me souviens mélancolique du temps qu’il m’avait fallut avant d’enterrer mon vieux mobile et laisser entrer dans ma vie Smartphone. A l’époque, j’étais farouchement opposée à cette vague d’innovation portée par Facebook et la technologie en générale. Foutaises d’adolescents réfractaires, l’ironie fait en tout cas bien marrer les jeunes adultes hyper connectés que nous sommes devenus aujourd’hui.
Pression
J’ai beaucoup de mal avec cette constante demande de nouvelles infligés par les réseaux sociaux. Il faut s’atteler à répondre, prendre le temps pour chaque personne. Et la pression ne marche pas terrible sur moi.
Cette responsabilité d’avoir à répondre ou juste de savoir qu’une personne attend de moi une réponse (ou non d’ailleurs, parfois on frôle la paranoïa égotique et la personne n’attend rien en particulier). Je me sens d’une part responsable de ce laps de temps que j’inflige aux gens, et d’une part frustrée car, il faut le dire, un coin de ma tête est constamment occupée par ces demandes en attente. Mais aussi, et c’est peut être là le plus important, je me sens vite enfermée dans cette dynamique de ne pas faire ce que je veux , comme si je devais rendre un rapport, et que mon temps en solitaire devait constamment être envahi par l’action de ‘sociabiliser’.
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Petite aparté : je crois d’ailleurs que l’on tient là un des plus gros fléaux de notre siècle. Beaucoup de personnes ne savent tout bonnement plus être seules avec elles-mêmes. Elles ne s’écoutent plus, et cherchent sans relâche à être entourées. En ce sens, la méditation aide vraiment à se recentrer sur nous-même, à nous reconnecter avec ce moi que l’on oublie. À comprendre que les temps où l’on se retrouve seul sont tout aussi importants pour apprendre à se connaître et à se comprendre. La plupart des personnes s’essayant à la méditation ont un mal fou à ‘ne rien faire‘ et à ‘s’observer‘ ; car elles ne connaissent plus la vacuité. Pour elles, le mental fonctionne à mille à l’heure, chaque millimètre d’espace libre est comblé de pensées et l’attention est très vite perturbée.
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Voici un petit exemple pour vous expliquer comment je marche sous pression. Pour vous situer un peu le contexte, il faut savoir que j’habite dans le cœur d’une ville où une personne mendie tous les 50 mètres, s’en exagérer. Si je donnais à chacun une pièce toutes les fois où je sors de chez moi, je pourrai dire adieu à mon logement et rejoindre les trottoirs à mon tour. Prenons deux personnes qui mendient donc. La première personne me parle ouvertement, poliment, et me demande une pièce. Paniquée par cette soudaine demande que je n’avais pas prévu au programme, je m’excuse et refuse avec un sourire. La deuxième personne ne dit rien, ne me demande rien, pourtant je viendrais ouvertement vers elle pour lui donner une pièce. Ce phénomène doit sûrement avoir un nom, quand même bien je ne peux faire quelque chose sous la pression, il faut que cela soit de mon plein gré, ou du moins que je puisse avoir le sentiment d’être maître de moi-même (une des bases de la manipulation d’ailleurs).
J’ai bien essayé des fois, quand ma messagerie est pleine à craquer, d’y répondre un à un, en prenant le temps, sans être pas trop expéditive. Je pars alors en croisade, véritable aventure où mes réponses obtiennent à leur tour des réponses auxquelles je dois à nouveau répondre. Je m’en sors difficilement et je finis, la nuque cassée sur mon téléphone, à passer deux bonnes heures à cette tâche. Ce n’est pas une activité, certainement pas un plaisir. Ça devient carrément un chemin de croix.
Culpabilité
Pourtant être entourée est une chance, n’est ce pas ? Je ne suis visiblement pas ignorée, et les gens se soucient autant de ma vie que de ma personne. Je devrais être comblée de toutes ces belles attentions, et honnêtement je le suis. C’est ainsi que naquit ma fidèle amie Culpabilité, qui me murmure de douces paroles semblables à ‘Tu pourrais leur répondre quand même, c’est la moindre des choses – Tu serais heureuse toi, qu’on t’ignore comme tu le fais ?‘. Au fond je ne peux tout simplement pas supporter cette responsabilité constante, alors je finis par ne plus regarder mes messages, non pour le plaisir d’ignorer, mais par peur de devoir y répondre. Je ne décroche plus mon téléphone pour éviter de faire face à quelqu’un en direct, je n’écoute pas les messages vocaux, j’esquive les rendez-vous. Je finis par m’isoler pour ne plus être responsable de rien.
Voir les gens en face-à-face tient, on en parle ? Parce que ça aussi c’est tout une histoire. Savoir que je dois rencontrer quelqu’un dans la journée fait monter en moi l’angoisse en crescendo, du matin jusqu’au soleil couchant. La responsabilité, encore et toujours, de devoir ‘divertir‘ quelqu’un par ma présence me fout dans un état second. Ma raison tente bien de me rassurer ‘Les gens viennent te voir parce qu’ils t’aiment comme tu es – C’est pas à toi de les divertir, ils se divertissent tous seuls, ils sont grands‘. Rien n’y fait. Si le rendez-vous se fait avec quelqu’un que je ne connais pas, dans un cadre plutôt formel, il n’y a aucun soucis particulier. On affiche tous deux notre masque de ‘Je suis parfaitement intégré(e) à la société‘ et tout va pour le mieux. Un rendez-vous avec quelqu’un que je connais vaguement ou un peu beaucoup ? Panique à bord. Un état tel que j’en viens à éviter ces rencontres au maximum. Être seule reste encore le seul moyen que j’ai trouvé pour éviter les montagnes-russes de l’angoisse.
Isolement
Avec cette belle mécanique en route, je créée un monde de solitude parfait, où l’isolement est autant confortable qu’un plaid en hiver. Car maintenant la formule se dessine ainsi :
Pour une soirée accompagnée → il me faut bien deux jours de repos complètement seule pour récupérer.
Cela peut paraître fou de premier abord, mais c’est bien là le temps minimum obligatoire pour que je puisse ‘recharger mes batteries‘ comme il se doit. Alors suis-je une phobique sociale ? Peut-être pas médicalement parlant. Peut-être que la société va beaucoup trop vite pour moi. Peut être suis-je vouée à vivre en ermite jusqu’à la fin des jours. Peut-être encore est-ce juste ma personnalité qui ne colle pas avec les formats actuels, auquel cas je ne pourrai pas faire grand chose, à part suivre ma voie.
Les origines
Dans mon cas, et compte tenu de mon propre fonctionnement, expérimenter ce trouble paraît assez évident. Les personnalités comme la mienne, développant un manque de confiance net + ultra, se sentent aisément responsable d’un peu près tout. C’est limite si je ne me sens pas responsable de l’air pollué que vous respirez (bon peut-être pas à ce point mais vous captez l’idée). Se sentir responsable amène à se juger sans relâche. Cela vient beaucoup de mon éducation. Mon père était plus à même de me faire fautive plutôt que d’admettre ses torts. J’ai grandit dans le jugement de ‘ce que j’ai fait de mal‘, rien n’était jamais assez bon, jamais assez tout. Ce n’est qu’une partie du pourquoi du comment, mais je vous fait la version courte.
Les personnalités semblables à la mienne ont alors tendance à tout prendre personnellement (je vous renvoie au passage au 2ème accord Toltèque : Quoi qu’il arrive, n’en faites pas une affaire personnelles). Il y a ce réflexe de se sentir comme ‘le centre du monde‘, dans le sens où toute l’attention, le bonheur, les attentes des uns et des autres seraient placés sur nos épaules (on en revient à l’impression d’être responsable de tout).
Être social devient vite un enfer. Il n’y a plus aucune notion de détente, on se met constamment sous pression pour que tout le monde passe le meilleur moment possible. Résultat ? On est stressé, on stresse les autres, et personne ne se sent vraiment détendu… Fuir les interactions sociales devient une suite logique, voir la seule porte de sortie.
Une des solutions ? Le lâcher prise… La recette est vieille comme le monde, simple, et pourtant pas si évidente à appliquer. Arrêter de se sentir responsable. Être. Tout simplement, entièrement. S’accepter comme on est et laisser les autres penser ce qu’ils veulent… Cela nécessite d’aller à l’encontre de beaucoup d’automatismes personnels (surtout ceux installés dans l’enfance), et de stopper le mécanisme qui se met en place (anxiété, panique, crises…). On passe tout au bulldozer et on construit les bonnes bases (voir mon article : Briser les vieux accords pour en créer de nouveaux).
Liens utiles :
https://www.mes15minutes.com/sans-anxiete/phobie-sociale-symptomes-et-traitement/
https://psychotherapie.ooreka.fr/fiche/voir/343580/soigner-la-phobie-sociale
Sur ce dernier lien, j’ai aimé cette phrase en particulier, qui relate bien de mon problème N°1 ‘Réalisez combien vous projetez vos pensées automatiques sur les autres. Cette étape est sans doute la plus difficile. Admettez que vous prêtez aux autres vos doutes sur vous-même. Le pouvoir de ces pensées est si fort que certaines personnes souffrant de phobie sociale ne s’en débarrassent jamais. L’essentiel est de les dissocier de votre raisonnement‘
Je vous conseille : La peur de l’autre – Laura Hawkes
Et je vous conseille fortement cette vidéo de la talentueuse Kat Napiorkowska